Originaire de Mont-Louis, petit village gaspésien d’environ 660 habitants situé dans une zon relativement dévitalisée, Pierre Lepage souhaitait apporter quelque chose à sa communauté. À l’automne dernier, sa conjointe et lui ont quitté leur emploi respectif pour faire l’acquisition de l’unique épicerie qui s’y trouve.
Originaire de Mont-Louis, petit village gaspésien d’environ 660 habitants situé dans une zon relativement dévitalisée, Pierre Lepage souhaitait apporter quelque chose à sa communauté. À l’automne dernier, sa conjointe et lui ont quitté leur emploi respectif pour faire l’acquisition de l’unique épicerie qui s’y trouve. Avec une détermination sans faille et l’aide de la Société d’aide au développement de la collectivité (SADC) de Haute-Gaspésie, ils ont remis le magasin à neuf et introduit de nouveaux produits pour offrir un service essentiel.
Il y a 20 ans, Pierre Lepage a quitté sa région pour travailler dans des moulins à bois de la Beauce, puis dans les mines du nord du Québec. « La Gaspésie était ancrée en moi, affirme celui qui y est finalement revenu en 2012 pour travailler dans le domaine éolien. J’avais gardé le rêve d’apporter quelque chose à mon coin de pays, de combler un besoin ou d’offrir un service qui n’était pas disponible. »
Après mûres réflexions, il est passé de la parole aux actes en rachetant l’épicerie où il travaillait lorsqu’il était adolescent. « Pierre savait qu’il y avait un marché pour que l’épicerie fonctionne, même si l’entreprise n’était pas à son meilleur : l’inventaire avait beaucoup diminué, et la clientèle aussi », souligne Sonia Milette, analyste financière à la SADC Haute-Gaspésie, qui a suivi le dossier de près.
La reprise du marché Bernard Lemieux, désormais rebaptisé L’Épice-Rit ML, était donc attendue par les habitants de Mont-Louis , car certains produits étaient difficiles à trouver à proximité. Plusieurs se rendaient à Sainte-Anne-des-Monts, à 60 km de là, pour faire leur épicerie. « Le territoire est très étendu en Haute-Gaspésie et il n’y a pas beaucoup de promoteurs. On avait hâte que quelqu’un lève la main », commente Sonia Milette. La relève, un enjeu de taille en Gaspésie comme dans le reste du Québec, est l’une des priorités de la SADC de la Haute-Gaspésie.
Partir de presque rien
L’acquisition du marché d’alimentation a finalement ouvert sur une véritable relance. « Ma conjointe et moi sommes partis de zéro, lance le commerçant de 42 ans, qui n’avait aucune expérience entrepreneuriale. On s’imagine que ça prend deux ou trois coups de crayon et que les affaires se règlent, mais ce n’est pas tout à fait comme ça que ça se passe. »
Les promoteurs ont en effet dû planifier toutes les étapes du démarrage, avec l’appui précieux de la SADC de la Haute-Gaspésie. « Nous les avons aidés à analyser les états financiers de l’ancien propriétaire et à établir leurs prévisions financières. En général, nous envisageons plusieurs scénarios, dont l’un plus réaliste et d’autres plus pessimistes, explique Sonia Milette. Si tout ne se passe pas comme prévu, cela permet de connaître le point mort d’exploitation, c’est-à-dire le moment à partir duquel l’entreprise n’est plus rentable. »
La SADC a aussi aidé les entrepreneurs, entre autres, à établir un prix de vente, et à trouver des partenaires financiers. Bien évidemment, les promoteurs ont également dû monter un plan d’affaires solide prenant en considération la situation géographique et économique de la municipalité de Mont-Louis, relativement éloignée des grands centres. « Nous conseillons et outillons nos clients de notre mieux, mais le gros du travail, ce sont les promoteurs qui le font », rappelle Sonia Milette.
Pendant toutes ces démarches, qui ont duré environ un an, Pierre Lepage et sa conjointe ont gardé leurs emplois respectifs. Les promoteurs ont travaillé fort pour maintenir les services à la population. Après la fermeture du marché Bernard Lemieux, ils ont réalisé en un temps record d’importants travaux de rénovation. Le couple a fait remplacer des fenêtres et réparer les plafonds et planchers, en plus de remettre à neuf la décoration intérieure et la façade avant. En 10 jours à peine, avant même la fin des travaux, l’épicerie rouvrait ses portes, en novembre 2018. L’Épice-Rit ML emploie maintenant neuf personnes : six employés à temps plein, un employé à temps partiel et deux étudiantes qui viennent donner un coup de main à l’occasion.
Faire marcher l’économie locale
Pour répondre aux demandes de sa clientèle, l’entrepreneur mise notamment sur les nouvelles tendances en alimentation comme les produits régionaux, végétariens et biologiques. Comme il est toujours sous contrat avec la bannière Axep, il doit s’approvisionner à leurs entrepôts autant que possible, mais il a tout de même la liberté de diversifier son offre.
Pierre Lepage a ainsi ajouté sur ses tablettes des bières de microbrasseries gaspésiennes, du kombucha fabriqué dans la Baie-des-Chaleurs et des produits de La Minoterie des anciens de Sainte-Anne-des-Monts, pour ne nommer que ceux-là. « La solidarité entre marchands est importante. On essaie de s’approvisionner auprès de distributeurs des alentours et on est fiers d’encourager la distribution des produits fabriqués chez nous », affirme-t-il.
Il utilise régulièrement les réseaux sociaux pour donner de la visibilité à ses produits. C’est cependant le bouche-à-oreille qui semble fonctionner le mieux, comme c’est souvent le cas dans les petites municipalités.
Si les premiers mois ont été très encourageants, l’hiver, sans surprise, a été plus épineux. « Pierre n’a pas repris une entreprise florissante. Cela demande de la patience, mais je suis sûre que ça ira bien, soutient Sonia Milette. C’est un bon promoteur : vaillant, brillant, logique et très allumé. »
La SADC de la Haute-Gaspésie continuera d’ailleurs de suivre le développement et les états financiers de l’Épice-Rit ML pour pérenniser les premiers succès du projet. Quant à l’entrepreneur et à sa conjointe, ils ne regardent pas en arrière. « On est partis d’un rêve, on a réussi à le concrétiser et on a confiance », conclut-il