C’est en 2022 que Caroline Hardy entend parler pour la première fois que Serge Boulanger, propriétaire de l’entreprise la Ruelle Fourrure à Saint-Siméon-de-Bonaventure, recherche une relève prête à se consacrer à un savoir-faire ancestral : la confection de vêtements et d’accessoires faits de fourrure. Celle qui est déjà copropriétaire des Serres Cascabella situées à Cascapédia-Saint-Jules décide alors avec sa collègue et amie Édith Dubuc de saisir l’opportunité et de se lancer à fond dans ce projet de relève. Rencontre avec cette femme entrepreneure passionnée qui s’est découvert avec la fourrure un mode de vie en accord avec ses valeurs humaine, écoresponsable et créative.
L’entreprise, en bref
Les Loutres d’hiver créent une grande diversité d’objets à partir de la fourrure récupérée. Parmi les produits offerts en boutique, on retrouve notamment des manteaux, des mitaines, des foulards, des chauffe-mains, des oursons, des coussins et autres accessoires de mode. L’entreprise offre également un service de transformation de manteaux de fourrure qui permet de leur redonner une deuxième vie. « On reçoit beaucoup de manteaux en don ou en échange. Quand les gens viennent transformer eux-mêmes, c’est encore plus le fun parce que ça leur fait un souvenir. Soit on transforme leur manteau en veste ou en coussin ou en ourson », explique Caroline.
Comment s’est présentée à vous cette opportunité de relève d’entreprise ? Quelle est VOTRE histoire de relève ?
Avant d’être une histoire de relève, l’histoire de Caroline est d’abord une histoire d’amitié qui s’est développée avec Édith Dubuc, avec qui elle a d’abord travaillé dans son entreprise. « C’est un projet qui est parti d’une idée dans les plates-bandes! », se remémore avec le sourire Caroline.
C’est lors d’une visite à l’atelier la Ruelle Fourrure qu’Édith découvre pour la première fois ce métier dont elle n’avait jamais entendu parler. Serge lui propose alors de l’initier à la fourrure en échange d’un coup de main à l’atelier, ce qu’Édith accepte. Après quelque temps, bien au fait que Serge est à la recherche d’une relève, Édith commence à considérer l’idée de reprendre l’entreprise. Cependant, elle recherche quelqu’un d’expérience en entrepreneuriat afin de se lancer officiellement. Et comme Caroline s’était déjà lancée dans un projet de repreneuriat il y a plus de 15 ans, l’idée de faire relève ensemble prend forme : « Édith, elle aimait vraiment faire ça, mais elle me disait ¨Je ne me sens pas assez les reins solides pour être toute seule en entreprise. ¨ Moi j’ai dit ¨Je peux faire ça, je l’ai déjà fait! ¨ (rires). On est ensuite venues rencontrer Serge », se remémore-t-elle.
À l’automne 2022, Caroline et Édith officialisent l’achat de l’entreprise. Débute alors un impressionnant processus de transfert de connaissances de quatre mois, où Caroline et Édith tentent d’absorber le plus de savoirs possibles avec Serge. Le défi est de taille pour Caroline qui n’a jamais travaillé la fourrure : « J’avais une machine à coudre chez nous, mais surtout pour des projets utilitaires. Je n’avais jamais pensé que je ferais ça. J’ai passé beaucoup de temps devant les machines à apprendre ». C’est ainsi que Serge travaille à temps plein avec elles d’octobre à décembre, autant pour transmettre ses connaissances que pour les aider dans leur production.
À partir de 2023, Caroline et Édith commencent à prendre leur envol seules. Toutefois, leur projet de relève reste marqué par la relation qu’elles ont développée avec Serge, qui agit en tant que véritable mentor dans leur projet. « Parce qu’il n’est pas loin, il peut venir nous aider quand on a des questions. Et ça lui fait toujours plaisir. […] Il est à la retraite, mais il est toujours à l’affût et il vient nous dire ¨J’ai vu telle entreprise, vous pourriez faire ça¨. C’est le fun, on sent qu’il a à cœur qu’on réussisse ».
En quoi votre entreprise se démarque-t-elle particulièrement ?
Comment se démarque-t-on lorsque l’on reprend une entreprise d’un artisan ayant cumulé des années d’expérience ? Rapidement, Caroline et sa partenaire ont saisi qu’elles pouvaient se démarquer par le fait qu’elles forment une équipe, où l’une est spécialisée avec le travail de la fourrure et l’autre avec la finition. Pendant qu’Édith travaille la matière première, Caroline réalise la finition, ce qui leur permet de réaliser tout le processus de création dans leurs locaux. Leur entreprise se démarque également des autres artisans par leur volonté de confectionner des créations utilitaires. « Quand on regarde nos mitaines, on les a faites amovibles, avec fourrure intérieure, avec fourrure extérieure, que tu peux mettre dans un sens et l’autre, et ça te fait 3 paires de mitaines en une. Pourquoi faire simple ? », raconte-t-elle en riant.
Quels changements avez-vous apportés à l’entreprise ? Comment souhaitez-vous la faire évoluer dans les prochaines années ?
Bien que les premiers mois aient surtout été synonymes d’apprentissage et que peu de changements ont été apportés à l’entreprise, Caroline et Édith ont rapidement voulu transmettre leurs valeurs à leur nouvelle entreprise. C’est ainsi qu’elles ont choisi d’adopter un nouveau nom, même si la Ruelle Fourrure était bien connue dans son milieu. « On voulait trouver un nom qui nous ressemble, et les Loutres, ça nous ressemble vraiment. C’est un animal qui est joueur, qui aime s’amuser, qui est créatif. On trouvait que ça nous représentait bien », explique Caroline. Elles choisissent également d’ajouter la mention Fourrure récupérée, afin de mettre de l’avant leur volonté de faire de la fourrure récupérée leur matière première pour leurs créations. Pour les prochaines années, Caroline souhaite avant tout conserver la saisonnalité et la taille à échelle humaine de l’entreprise, qui font la force de leur projet. Elle souhaite cependant continuer de mettre à profit sa créativité dans la confection de vêtements utilitaires. « On a développé notre patron pour des vestes sans manches réversibles. […] Peut-être développer une veste sans manche pour homme », laisse-t-elle entrevoir.
Qu’est-ce que le soutien de la SADC vous a apporté dans votre projet de relève ?
Caroline connaissait déjà la SADC par le biais de sa première entreprise. Aller chercher le soutien de la SADC s’est donc fait naturellement. Grâce à ses démarches, Caroline a obtenu de l’aide financière de la SADC via le Fonds Stratégie jeunesse, ce qui lui a permis de bénéficier d’un congé d’intérêt d’une durée de 24 mois.
Quels conseils aimeriez-vous donner à une personne qui souhaite se lancer dans un projet de relève ?
Si entreprendre est souvent synonyme de Faire vite et bien, les projets de relève nécessitent généralement plus de temps afin de permettre le transfert de connaissances. C’est d’ailleurs le conseil que souhaite donner Caroline, qui résume parfaitement la réalité des repreneurs : « Par enthousiasme, on veut souvent aller vite au début. Un constat que j’ai fait en arrivant, c’est que ça ne sera pas possible d’aller vite. À la machine c’était évident : j’essayais d’aller plus vite que la machine et ce n’était pas possible. Si je m’inspire de ce qu’on a vécu, mon conseil est de Laisser au temps, le temps ».
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À propos de Caroline Hardy
Originaire de Boucherville, Caroline s’est installée en Gaspésie avec son conjoint en 2007, année où ils ont fait l’acquisition des Serres Cascabella à Cascapédia–Saint-Jules. En 2022, elle a décidé de mettre à profit ses qualités entrepreneuriales et artistiques en faisant l’acquisition de l’entreprise la Ruelle Fourrure, qui a évolué avec le temps pour devenir Loutres d’hiver – fourrure récupérée.